top of page

Que fait un psy en séance ? Spoiler : il ne fait pas qu’écouter.

L’image la plus répandue consiste à penser que le thérapeute « écoute » et que son rôle s’arrête là. En réalité, cette représentation simplifiée ne reflète absolument pas la nature du travail clinique.

L’écoute du psychopraticien n’est ni passive ni neutre. Elle mobilise une activité interne constante : observation fine, analyse du discours manifeste et latent, prise en compte des émotions, repérage des mécanismes de défense, du transfert et du contre-transfert. Autrement dit, derrière cette apparente simplicité se déploie un véritable travail thérapeutique, construit, méthodique et profondément engagé.

La séance n’est donc pas un simple échange verbal : c’est un espace clinique où chaque mot, chaque silence et chaque mouvement psychique sont considérés dans leur sens et leur fonction.


Que veut dire « écouter » pour un psy ?

Dans le cadre thérapeutique, « écouter » ne signifie pas rester silencieux en attendant que le patient termine son récit. L’écoute du psycho (logue, chanalyste, praticien) est une écoute clinique, c’est-à-dire une manière d’être attentif qui mobilise plusieurs niveaux d’analyse simultanément.


Le thérapeute prête attention :

  • au discours manifeste : ce que la personne dit explicitement ;

  • au discours latent : ce qui se glisse entre les mots, les non-dits, les hésitations, les contradictions ;

  • au langage non verbal : posture, respiration, ton de la voix, micro-expressions ;

  • aux éléments répétitifs : mots qui reviennent, thèmes récurrents, associations ;

  • aux émotions exprimées et retenues ;

  • aux indices transférentiels, c’est-à-dire la manière dont le patient se positionne inconsciemment dans la relation.


L’écoute clinique est donc active, flottante et discriminante. Active, parce qu’elle implique une présence engagée. Flottante, car elle permet de ne pas se focaliser sur un détail au détriment du tout. Discriminante, parce qu’elle permet de repérer ce qui fait sens dans l’histoire du sujet et dans la dynamique psychique du moment.

Autrement dit, écouter n’est pas une posture passive : c’est un acte thérapeutique en soi, qui structure l’ensemble du travail en séance.


Que fait un psy en séance ? Observer, analyser, comprendre

Pendant une séance, le travail du thérapeute ne se limite pas à l’écoute : il observe, analyse et met en sens ce qui se joue sur différents plans. Le psychopraticien travaille à partir de plusieurs niveaux simultanés :

Cabinet de psychothérapie au style classique, avec boiseries sombres, fauteuils en cuir, bibliothèque et ambiance feutrée adaptée à la thérapie analytique.

1. Le contenu manifeste

Ce que le patient exprime directement : les faits, les situations, les émotions dites. C’est la partie visible du discours, celle qui semble la plus évidente.


2. Le contenu latent

Ce qui se dit indirectement : les contradictions, les omissions, les glissements, les lapsus, les associations spontanées. C’est dans ce registre que se révèlent souvent les conflits internes ou les éléments refoulés.


3. Le transfert

La manière dont le patient investit le thérapeute : confiance, retenue, colère, idéalisation, peur du jugement…Il s’agit d’un phénomène inconscient essentiel pour comprendre la dynamique relationnelle.

4. Le contre-transfert

Ce que le thérapeute ressent en retour, non pas de manière personnelle, mais comme outil clinique. Ces ressentis peuvent éclairer ce que le patient projette ou rejoue dans la relation.


5. Les mécanismes de défense et résistances

Évitement, minimisation, dérision, hyper-rationalisation…Le thérapeute repère ces mouvements non pour les “lever”, mais pour comprendre leur fonction et accompagner le patient à son rythme.


Intervenir avec justesse

Contrairement à une idée répandue, le thérapeute ne donne pas de conseils comme le ferait un proche. Ses interventions sont mesurées, cadrées et inscrites dans une lecture clinique du fonctionnement psychique du patient.

Le psychopraticien peut intervenir de différentes façons :


1. La reformulation

Elle permet de reprendre les mots du patient tout en éclairant un angle aveugle, une nuance, un affect. Elle aide le patient à entendre ce qu’il dit… parfois sans s’en rendre compte.


2. Les questions ouvertes

Elles invitent à explorer un vécu, une émotion ou une situation, sans orienter la réponse. Elles ouvrent un espace de pensée que le patient n’avait peut-être jamais envisagé.


3. La confrontation bienveillante

Elle consiste à mettre en évidence une contradiction, un évitement, une répétition ou une incohérence, toujours avec tact, respect et prudence. La confrontation n’est jamais un jugement ; c’est un outil pour faire émerger du sens.


4. L’interprétation

Issue de l’observation des processus inconscients, elle propose un éclairage sur ce qui se rejoue dans le discours ou dans la relation transférentielle. L’interprétation n’est pas imposée ; elle est proposée à un moment où le patient peut l’entendre et l’intégrer.


5. L’ajustement du cadre

Le thérapeute intervient parfois pour rappeler le cadre : temporalité, règles de fonctionnement, limites. Ce cadre n’est pas une contrainte : il constitue la sécurité structurelle nécessaire au travail psychique.


Créer un espace sécurisant pour se rencontrer soi-même

Le rôle du thérapeute ne consiste pas seulement à analyser ou à intervenir : il assure également un cadre permettant au patient de se sentir suffisamment en sécurité pour explorer sa vie intérieure.

Ce cadre repose sur trois piliers essentiels :

Cabinet de psychanalyse chaleureux avec fauteuils en cuir, boiseries, lumière douce et bibliothèque remplie d’ouvrages cliniques.

1. La bienveillance

La séance est un espace où l’on peut déposer ses pensées, ses contradictions, ses émotions – même celles qui paraissent “inadéquates” ou “inavouables”. Le thérapeute accueille sans jugement, ce qui permet au sujet de se dire avec authenticité.


2. La confidentialité

Tout ce qui est partagé reste dans l’espace thérapeutique. Cette confidentialité offre un terrain psychique stable, indispensable pour que le patient puisse s’autoriser à parler vrai.


3. La fonction contenante

Le thérapeute offre une présence stable, structurée, capable de recevoir ce que le patient éprouve sans être déstabilisé. Cette contenance est un point d’appui essentiel pour traverser des émotions intenses, comprendre ses réactions ou revisiter des scènes difficiles.


Et si le psy utilise l’hypnose ?

Dans certaines approches thérapeutiques, comme l’hypnose ericksonienne, le thérapeute utilise des outils destinés à mobiliser les ressources inconscientes du patient. Contrairement à ce que l’on voit dans les spectacles ou les vidéos virales, l’hypnose thérapeutique n’a rien de spectaculaire : elle s’appuie sur une coopération, une intention clinique et un cadre solide.

L’objectif n’est pas de “contrôler” l’esprit, mais d’ouvrir un accès différent à l’expérience intérieure.


1. Contourner les blocages

L’état hypnotique permet d’assouplir certaines résistances conscientes (peurs, rationalisation excessive, évitement).Le patient reste pleinement acteur, mais explore son vécu autrement.


2. Accompagner les résistances

Les résistances ne sont pas des obstacles à “briser”, mais des protections psychiques. L’hypnose permet de les aborder en douceur, en leur donnant une place plutôt qu’en les combattant.


3. Activer les ressources internes

Sous hypnose, le patient peut mobiliser des capacités souvent mises de côté dans le quotidien :mémoire émotionnelle, créativité, sensations corporelles fines, force intérieure, imagination réparatrice.


4. Favoriser le changement émotionnel

Certaines scènes, blessures ou croyances sont plus facilement revisitées lorsqu’on s’adresse à l’inconscient, qui fonctionne avec ses propres règles et symboles.

Ainsi, l’hypnose est un outil clinique supplémentaire, utilisé avec prudence et discernement, lorsque cela s’avère pertinent pour la personne. Elle ne remplace pas la thérapie : elle l’enrichit, en offrant une autre voie d’accès à soi.


Exemple concret : Que fait un psy en séance ? Deux regards...


Pour comprendre la différence entre l’expérience vécue par le patient et le travail interne du thérapeute, voici une situation clinique simplifiée.


🔹 Le point de vue du patient : Théo, 22 ans


Théo entre dans le cabinet, visiblement mal à l’aise. Il s’assoit, fixe ses mains, soupire, puis dit d’une voix basse :

« Je suis paumé… J’ai arrêté les études, le foot… même les potes. Ma mère dit que je fuis. Peut-être qu’elle a raison… peut-être que je suis juste une merde. »

Le thérapeute l’écoute et pose une question ouverte :« Vous avez utilisé un mot important : fuir. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? »

En sortant, Théo se dit :« J’ai juste parlé. Ça m’a fait du bien. Il m’a écouté, c’est déjà ça. »

Pour lui, la séance paraît simple et linéaire.


🔹 Le point de vue du thérapeute


Dès l’entrée de Théo, plusieurs éléments cliniques sont observés :


Signes corporels

  • posture repliée,

  • gestes nerveux,

  • respiration courte. Ces indices signalent une anxiété élevée et une difficulté à s’ancrer.


Éléments verbaux

Les mots-clés paumé, fuir, tout arrêté, merde traduisent :

  • une perte de repères identitaires,

  • un vécu dépressif,

  • une estime de soi fragilisée.


Hypothèses cliniques

  • présence d’un possible épuisement ou effondrement psychique,

  • dynamique familiale culpabilisante (propos sur la mère),

  • mécanismes d’évitement très actifs.


Travail interne du thérapeute

Pendant que Théo parle, le thérapeute :

  • évalue le niveau de souffrance émotionnelle ;

  • repère la relation transférentielle (thème du jugement maternel) ;

  • choisit volontairement de ne pas confronter trop vite ;

  • reformule pour ouvrir l’exploration de la fuite et de l’identité ;

  • observe et contient les affects émergents.


En apparence, il “écoute”. En réalité, il est engagé dans une analyse continue, tout en maintenant un cadre contenant pour éviter de sur-stimuler un psychisme déjà fragile.

Ce décalage entre ce que perçoit le patient et ce que travaille réellement le thérapeute constitue la spécificité du cadre clinique :un travail discret, profond, et souvent invisible, mais essentiel à la transformation thérapeutique.


Conclusion

👉 Une séance de thérapie n’est jamais un simple moment de parole. C’est un espace clinique vivant, où chaque élément, un mot, un silence, une hésitation, une posture, possède une valeur et une fonction.


Le thérapeute ne se contente pas d’écouter :il observe, analyse, accueille, relie, contient, et accompagne les mouvements psychiques qui émergent au fil de la séance. Ce travail, souvent discret et invisible pour le patient, constitue pourtant le cœur du processus thérapeutique.

La thérapie est un chemin vers davantage de clarté, de compréhension de soi, et d’apaisement interne. Dans ce cadre sécurisé, le patient peut progressivement explorer ce qui le traverse, réorganiser ses repères, transformer ses schémas et construire une relation plus juste avec lui-même et avec les autres.

Ce n’est donc pas “parler pour parler”: c’est rencontrer son monde intérieur, le penser, le ressentir et le transformer, accompagné par un professionnel formé à en lire la profondeur et la complexité.



Références générales sur la psychothérapie

  • Freud, S. (1912). Conseils au médecin sur le traitement analytique.

  • Winnicott, D. W. (1965). Jeu et réalité.

  • Dolto, F. (1985). La cause des enfants.

  • Rogers, C. (1961). On Becoming a Person.

  • Cyrulnik, B. (2001). Un merveilleux malheur.

Écoute clinique, transfert et cadre

  • Laplanche, J. & Pontalis, J.-B. (1967). Vocabulaire de la psychanalyse.

  • Anzieu, D. (1985). Le Moi-peau.

  • Green, A. (1990). La folie privée.

  • De M'Uzan, M. (1977). De l'art à la mort.

Hypnose et hypnose ericksonienne

  • Erickson, M. H. (1980). Collected Papers on Hypnosis.

  • Zeig, J. (1985). Experiencing Erickson.

  • Rossi, E. (1997). The Psychobiology of Mind-Body Healing.

Approche contemporaine et clinique intégrative

  • Jeammet, P. (2010). Psychopathologie de l'adolescent.

  • Bergeret, J. (1996). La personnalité normale et pathologique.

  • André, C. (2009). La peur des autres.

“Ces références sont données à titre informatif pour approfondir les concepts évoqués dans cet article.”


Pour approfondir ces notions ou découvrir l’ensemble de mes services (thérapie analytique, hypnose, ateliers), je vous invite à consulter les différentes sections du site. Vous y trouverez des informations détaillées ainsi que d’autres articles pour vous accompagner dans votre réflexion.


Emmanuel Page



Cabinet de psychopraticien au style vintage, canapé Chesterfield, tapis persan, éclairage tamisé et espace dédié au travail thérapeutique.

bottom of page