Perversion narcissique : comprendre, clarifier, se protéger
- Emmanuel Page

- 7 oct.
- 16 min de lecture
Introduction
Depuis quelques années, le terme “pervers narcissique” s’est invité partout : dans les discussions de couple, les réseaux sociaux, les émissions télévisées. Dès qu’une relation devient toxique, le mot surgit. Pourtant, en psychologie clinique, la perversion narcissique est une notion bien plus complexe et précise que ce qu’en laisse penser son usage courant.
Il est essentiel de rappeler que le pervers est toujours narcissique, puisqu’il agit dans une logique d’auto-conservation et de domination de l’autre. En revanche, le narcissique n’est pas nécessairement pervers, et le manipulateur, terme souvent confondu, n’a pas toujours une structure perverse. Tout dépend du degré d’emprise, de jouissance dans la destruction psychique de l’autre, et de la manière dont le sujet nie ou reconnaît la limite entre lui et autrui.
Freud a décrit deux formes de narcissisme :
Le narcissisme primaire, nécessaire à la construction du moi et à l’amour de soi,
Et le narcissisme secondaire, qui se renforce ou se déforme au fil des expériences de vie.
Lorsque ce narcissisme secondaire devient défensif, rigide, et s’érige contre l’autre, il peut mener à des formes pathologiques comme la perversion narcissique, où le lien à autrui devient un moyen de domination, d’humiliation ou de survie narcissique.
Dans cet article, nous allons :
Revenir sur les fondements cliniques et psychanalytiques de la perversion narcissique,
Identifier les mécanismes concrets d’emprise et de manipulation,
Distinguer ce qui relève d’une véritable structure perverse d’un simple comportement toxique,
Et enfin, comprendre comment la thérapie analytique peut aider à se reconstruire après une relation de ce type.

1 Clarifier les termes : entre narcissisme, perversion et manipulation
Le mot “pervers narcissique” est devenu une expression du quotidien, souvent utilisée à tort pour désigner toute personne manipulatrice, froide ou égoïste. Mais dans la clinique, les mots ont un sens précis : comprendre la différence entre narcissisme, perversion et manipulation est essentiel pour ne pas tout confondre.
🔹 Le narcissisme : entre amour de soi et défense psychique
Freud distingue deux formes de narcissisme :
Le narcissisme primaire : il correspond à l’amour de soi fondamental, nécessaire à la construction du moi. C’est cette énergie psychique tournée vers soi qui permet à l’enfant de se sentir exister, de se valoriser et de se différencier du monde extérieur. Sans ce narcissisme primaire, il n’y a ni estime de soi ni sentiment d’unité psychique.
Le narcissisme secondaire : il apparaît plus tard, lorsque l’amour autrefois dirigé vers des objets (personnes, relations, idéaux) revient sur le moi. Lorsqu’une personne a été blessée, trahie ou humiliée, elle peut réinvestir son énergie narcissique pour se protéger. C’est le début d’un mécanisme de défense.
👉 Lorsque ce processus devient excessif, le sujet ne supporte plus la frustration, la dépendance ou la vulnérabilité. Il développe une attitude centrée sur lui-même, cherchant à dominer ou contrôler l’autre pour ne pas revivre la blessure initiale.
🔹 La perversion : un rapport pathologique à l’autre
En psychanalyse, la perversion n’est pas une insulte morale, mais une organisation psychique spécifique. Le pervers se caractérise par une attaque de l’altérité : il nie la différence entre lui et l’autre. Autrui n’est pas perçu comme un sujet, mais comme un objet de gratification narcissique.
Ce fonctionnement repose sur un mécanisme fondamental : le déni de la castration, c’est-à-dire le refus d’accepter la limite, la perte ou le manque. Pour ne pas ressentir sa propre fragilité, le pervers cherche à la faire vivre à l’autre.
C’est ce qui explique pourquoi la relation avec un pervers narcissique est souvent marquée par :
la dévalorisation,
l’humiliation,
la prise de pouvoir,
et la jouissance à voir l’autre souffrir.
🔹 Manipulateur, narcissique, ou pervers ?
Ces trois termes ne sont pas interchangeables :
Profil | Objectif inconscient | Rapport à l’autre | Degré de conscience |
Narcissique | Préserver son estime fragilisée | Recherche d’admiration, peur du rejet | Semi-conscient |
Manipulateur | Obtenir un avantage ou éviter la culpabilité | Instrumentalise l’autre de manière stratégique | Souvent conscient |
Pervers narcissique | Détruire psychiquement pour se valoriser | Nie la subjectivité de l’autre, exerce une emprise durable | Partiellement conscient, mais sans culpabilité |
👉 En résumé :Tout pervers est narcissique (il attaque pour se défendre de sa propre fragilité), mais tout narcissique ou manipulateur n’est pas pervers. C’est la jouissance dans la domination et la destruction du lien qui signe la perversion.
2 Les mécanismes clés de la perversion narcissique
La perversion narcissique se reconnaît moins à ce que la personne dit qu’à la manière dont elle agit sur l’autre. Elle installe une relation d’emprise, subtile au départ, mais qui devient progressivement destructrice. Le but n’est pas seulement d’avoir raison ou de contrôler, mais de détruire la subjectivité de l’autre pour maintenir un sentiment de toute-puissance.
🔹 Le déni de l’altérité
Le pervers narcissique ne reconnaît pas la différence entre lui et l’autre : l’autre n’existe que comme miroir ou réceptacle de ses besoins. Il n’y a pas de véritable relation, mais une utilisation. Si l’autre cesse de “renvoyer une bonne image”, il devient une menace et doit être rabaissé, humilié ou rejeté.
🔹 Le clivage et le cycle idéalisation–dévalorisation
Au début, la relation est souvent marquée par une phase d’idéalisation : la victime est admirée, valorisée, mise sur un piédestal. Mais cette phase n’a qu’un but : s’approprier psychiquement l’autre. Vient ensuite la dévalorisation : critiques, sarcasmes, froideur, voire humiliation publique.
Ce clivage, amour absolu / mépris total, sert à éviter la confrontation à l’ambivalence et à la dépendance affective.
🔹 Le retournement accusatoire et le gaslighting (Détournement cognitif )
L’un des mécanismes les plus typiques est le retournement accusatoire : c’est toujours l’autre qui a tort. Même lorsque le pervers ment, trahit ou blesse, il retourne la faute sur sa victime. Ce processus, appelé gaslighting, vise à semer le doute et la confusion : la victime finit par douter de sa propre perception et croire qu’elle exagère ou qu’elle “devient folle”.
🔹 L’humiliation comme instrument de pouvoir
Le pervers narcissique se nourrit de la honte de l’autre. Il utilise l’humiliation pour affirmer sa supériorité : une remarque sarcastique, un regard méprisant, une critique déguisée en conseil. L’humiliation peut être publique ou intime, directe ou insidieuse, mais elle poursuit toujours le même but : désintégrer l’estime de soi de la victime.
🔹 L’emprise : une domination progressive
L’emprise se construit lentement, par petites atteintes répétées :
isolement progressif des proches,
destruction de la confiance en soi,
alternance de chaleur et de froideur pour maintenir la dépendance affective.
Ce mécanisme crée une dette symbolique : la victime se sent responsable de la relation et tente de “réparer” ou “comprendre” le comportement de l’autre. C’est ce qui rend la sortie de l’emprise si difficile : la victime croit encore pouvoir sauver ou apaiser son bourreau.
🔹 La jouissance dans la domination
Contrairement à une simple personnalité égocentrique, le pervers narcissique éprouve du plaisir à dominer. Il ne cherche pas seulement à se défendre ou à convaincre, mais à anéantir psychiquement l’autre. Cette jouissance inconsciente est ce qui fait de la perversion une véritable structure clinique et non un simple trait de caractère.
👉 Ces mécanismes d’emprise ne concernent pas uniquement le couple. On les retrouve aussi dans le cadre professionnel, familial ou amical, là où un lien de dépendance ou d’admiration peut s’installer.
3 Où et comment la perversion narcissique se manifeste
La perversion narcissique ne se limite pas au couple amoureux, même si c’est là qu’elle se révèle souvent le plus intensément. Elle peut s’immiscer dans toutes les sphères relationnelles : travail, famille, amitiés, voire relations fraternelles. Partout où existe un lien de confiance, un rapport d’autorité ou une forme d’admiration, la perversion peut trouver à se déployer.
🔹 Dans le couple : l’amour devient une emprise
Au début, tout semble parfait. Le pervers narcissique sait se montrer séduisant, attentif, flatteur. Il écoute, comprend, valorise, et donne l’impression d’un lien fusionnel. Mais très vite, le masque tombe : le partenaire devient une extension du moi, un objet qu’il faut modeler, dominer, puis détruire pour mieux asseoir son pouvoir.
Les cycles typiques :
Séduction – tout est merveilleux.
Emprise – la dépendance affective s’installe.
Dévalorisation – critiques, distance, humiliations.
Reprise – il revient soudainement, attendri, pour “réparer”… avant de recommencer.
Cette alternance crée un enchaînement addictif : la victime attend le retour de la phase “douce” et s’accroche à l’espoir de retrouver le partenaire d’autrefois.
🔹 Dans la famille : la domination au nom de “l’amour”
La perversion narcissique peut aussi se manifester dans les liens familiaux. Certains parents utilisent l’amour comme une monnaie de contrôle :
“Tu es décevant, mais je t’aime quand même.”
“Tout ce que je fais, c’est pour ton bien.”
Ce double discours installe une confusion morale : l’enfant se sent coupable de ne pas être “assez bon”, tout en cherchant désespérément la reconnaissance parentale. À l’âge adulte, il peut développer des schémas répétitifs de soumission, d’auto-dévalorisation ou de relations toxiques.
Dans certaines fratries, le mécanisme se reproduit : un membre est valorisé, l’autre systématiquement humilié. Ce clivage familial renforce l’emprise et nourrit la blessure narcissique.
🔹 Dans le travail : le harcèlement sous des airs de compétence
En entreprise, la perversion narcissique se traduit souvent par un harcèlement moral sophistiqué. Le supérieur ou collègue pervers ne crie pas : il désorganise subtilement, divise, critique en privé, valorise en public. Il isole sa cible et crée un climat d’instabilité émotionnelle : on ne sait jamais si on va être félicité ou humilié.
Il s’agit d’un jeu de pouvoir, où l’autre est instrumentalisé pour renforcer son prestige ou sa domination hiérarchique. Le résultat est le même : perte de confiance, épuisement psychique, parfois dépression sévère.
🔹 Dans l’amitié : l’amitié conditionnelle
Certaines amitiés cachent elles aussi une forme d’emprise :
L’ami “protecteur” qui conseille sans cesse et impose sa vision du monde.
Celui qui donne pour mieux rappeler ce qu’il a offert.
Ou celui qui s’éloigne dès qu’on ne répond plus à ses attentes narcissiques.
L’amitié devient alors une relation hiérarchisée, où l’un prend la place du maître et l’autre du disciple. Ce type de lien peut être aussi destructeur qu’un couple toxique, car il mine la confiance et la capacité à se sentir légitime.
Dans tous ces contextes, le point commun reste le même : l’autre n’existe pas comme sujet, mais comme instrument au service du narcissisme du pervers.

4 Différencier : le pervers narcissique, le narcissique et le manipulateur
Ces trois figures sont souvent confondues, car elles partagent certains comportements de domination, de séduction ou de contrôle. Pourtant, leurs motivations inconscientes, leurs rapports à la culpabilité et leurs degrés de conscience sont radicalement différents.
🔹 Le narcissique : une estime de soi fragile
Le narcissique n’est pas un “monstre” ni un “manipulateur froid”. Son fonctionnement repose sur une blessure d’estime de soi profonde : il cherche sans cesse à être admiré pour combler une faille intérieure. Il a besoin de briller pour se sentir exister.
Sa dépendance au regard de l’autre traduit un narcissisme secondaire fragilisé. Il ne supporte pas la critique, ni la déception. Mais, contrairement au pervers narcissique, il ressent la culpabilité et peut reconnaître sa souffrance ou celle qu’il inflige.
Le narcissique cherche avant tout à protéger son image, non à détruire l’autre.
🔹 Le manipulateur : stratège ou défensif
Le manipulateur agit de manière calculée. Il utilise la ruse, la séduction, ou le mensonge pour obtenir quelque chose : un avantage, une protection, une gratification. Sa motivation n’est pas toujours de nuire : il peut manipuler par peur du rejet ou du conflit.
Il n’est pas structuré autour d’une jouissance de domination, mais plutôt d’un besoin de contrôle. Ce comportement peut exister chez des personnalités anxieuses, dépendantes ou mégalomaniaques, sans pour autant relever d’une perversion narcissique.
🔹 Le pervers narcissique : la jouissance dans la destruction
Le pervers narcissique va plus loin : il jouit psychiquement de la destruction de l’autre. Son équilibre repose sur le fait de soumettre, dévaloriser, puis maintenir la dépendance.
Sa logique est binaire :
“Soit je domine, soit j’existe pas.”
Il ne cherche pas l’amour ni la reconnaissance : il cherche la preuve de sa toute-puissance. C’est cette jouissance inconsciente, alliée à l’absence totale de culpabilité, qui signe la perversion.
🔹 En résumé
Profil | Moteur principal | Rapport à l’autre | Culpabilité | But inconscient |
Narcissique | Besoin d’admiration | Recherche d’approbation | Présente | Être reconnu |
Manipulateur | Contrôle et sécurité | Utilitaire | Variable | Obtenir / éviter |
Pervers narcissique | Jouissance de domination | Destruction du lien | Absente | Soumettre / anéantir |
👉 Cette distinction est fondamentale :Tout le monde peut avoir des traits narcissiques ou manipuler à certains moments, mais la perversion narcissique relève d’une structure stable, d’un rapport au monde dénué d’empathie et d’une jouissance destructrice.
5 Les effets chez la victime
La relation avec une personnalité à structure perverse narcissique laisse des séquelles psychiques profondes. La victime n’en sort pas simplement “blessée” : elle en ressort souvent détruite dans son rapport à elle-même, vidée de son énergie, incapable de penser ou d’aimer comme avant. C’est une véritable effraction psychique, parfois comparable à un traumatisme.
🔹 L’effondrement narcissique
Le premier effet est une érosion du narcissisme :la victime perd peu à peu confiance en elle, doute de ses perceptions, de ses émotions, de sa valeur. Sous l’emprise, chaque tentative de réaction est tournée en dérision, niée ou ridiculisée.
Au bout d’un temps, elle intériorise le discours du pervers :
“C’est moi le problème.” “Je suis trop sensible.” “C’est moi qui détruis tout.”
Cette inversion de la réalité crée un effondrement du moi : la personne n’a plus accès à son jugement, à ses limites, ni à sa dignité.
🔹 La culpabilité et la honte
L’une des armes les plus efficaces du pervers narcissique est la culpabilité induite. Il amène l’autre à croire qu’il est responsable du conflit, de la violence ou de la distance. La victime finit par porter la faute et ressentir une honte diffuse, comme si elle méritait d’être humiliée.
Cette honte est paradoxale : elle empêche de parler, d’être crue ou même de quitter la relation.
“Si j’en parle, on ne me croira pas.” “Je n’ai pas de preuve.”
C’est pourquoi la plupart des victimes restent isolées et silencieuses pendant des mois, voire des années.
🔹 La confusion et la perte du réel
Sous l’effet du gaslighting et du retournement accusatoire, la victime vit une désorientation cognitive. Elle ne sait plus ce qui est vrai ou faux, ce qui vient d’elle ou de l’autre. Ce flou permanent entraîne des troubles de la concentration, de la mémoire, et parfois des symptômes dissociatifs.
Elle peut dire :
“J’ai l’impression de devenir fou / folle.” “Je ne sais plus qui je suis.”
Cette perte du réel est une stratégie inconsciente du pervers pour maintenir sa domination : si l’autre doute de lui-même, il ne partira pas.
🔹 La dépression et les idées suicidaires
Lorsque la relation dure, la victime finit par sombrer dans une dépression sévère. Tout désir s’éteint : plus de motivation, plus d’élan vital, plus de confiance. Certains développent des idées suicidaires, non pas pour “mourir”, mais pour échapper à une douleur psychique intolérable.
Cette phase est souvent incomprise de l’entourage, qui perçoit la rupture ou la distance mais ignore la violence invisible subie.
🔹 Les séquelles post-rupture
Même après avoir quitté le pervers, la victime reste souvent sous son emprise mentale. Un mot, un message, un souvenir suffisent à la replonger dans la peur ou la nostalgie. Cette phase, appelée “syndrome post-emprise”, peut durer des mois. Le travail thérapeutique est alors essentiel pour désidentifier la voix du bourreau de la sienne, et reconstruire une identité stable, autonome et libre.
Ce que la perversion détruit avant tout, c’est la capacité à se faire confiance. La thérapie vise justement à la restaurer.
6 Sortir de l’emprise et amorcer la reconstruction
Quitter une relation avec une personne à structure perverse narcissique ne se résume pas à “partir”. L’emprise psychique est une prison invisible qui agit comme une toile d’araignée : même à distance, la victime reste liée par la peur, la culpabilité ou le doute. Sortir de ce lien demande un travail profond, qui passe par plusieurs étapes.
🔹 1. Reconnaître la violence invisible
La première étape est de nommer ce qui a été vécu. Tant que la personne nie la manipulation, minimise les humiliations ou cherche des excuses à l’autre, elle reste sous influence. Reconnaître que l’on a été victime d’un fonctionnement pervers n’est pas un aveu de faiblesse, mais un acte de lucidité et de reprise de pouvoir.
🔹 2. Rompre le contact et poser des limites fermes
Le pervers narcissique ne supporte pas la perte de contrôle. Dès qu’il sent l’autre s’éloigner, il tentera de reprendre contact (messages, appels, promesses, crises, culpabilisation).C’est ce qu’on appelle souvent le hoovering : l’art de “repasser l’aspirateur émotionnel”.
Rompre le contact ne signifie pas forcément couper tout lien du jour au lendemain, mais réintroduire de la distance psychique :
bloquer les communications si nécessaire,
refuser les justifications interminables,
ne pas chercher à “faire comprendre”.
👉 La liberté commence par le silence : c’est en cessant d’alimenter le lien que le pouvoir de l’autre s’affaiblit.
🔹 3. Retrouver un ancrage dans la réalité
Le pervers agit en brouillant le rapport au réel. Il faut donc reconstruire une perception fiable : reprendre contact avec les faits, relire ses messages, écrire ce qui s’est passé, en parler à une personne de confiance ou à un professionnel. Le simple fait de mettre des mots aide à reconstituer une cohérence intérieure.
🔹 4. Travailler sur la culpabilité et la honte
Ces deux émotions sont au cœur de l’emprise. Elles empêchent de se sentir légitime à partir, à dire non, à se reconstruire. En thérapie, le travail consiste à redonner à chacun sa part de responsabilité :
“Ce n’est pas moi qui suis trop, c’est l’autre qui n’a pas su respecter mes limites.”
Ce renversement symbolique marque le début de la guérison.
🔹 5. S’entourer et se faire accompagner
Sortir de l’emprise ne peut se faire seul. Un entourage bienveillant, des amis sûrs, un thérapeute, parfois un cadre médical ou juridique, sont essentiels pour se sentir soutenu et crédible.
La thérapie analytique permet d’explorer ce qui, en soi, a rendu possible l’attachement à un tel profil : blessures narcissiques, peur de l’abandon, schémas répétitifs, besoin de reconnaissance. Il ne s’agit pas de se blâmer, mais de comprendre et transformer la répétition.
🔹 6. Reconstruire son narcissisme de base
La reconstruction passe par la restauration du narcissisme primaire, celui qui donne le sentiment d’exister et de se sentir digne d’amour. C’est un travail long mais libérateur :
reprendre soin de soi,
réapprendre à choisir,
redécouvrir ses désirs,
et réinvestir la vie, non plus dans la peur de perdre, mais dans le plaisir d’être.
👉 La guérison ne consiste pas à oublier, mais à intégrer ce que l’on a compris. La souffrance devient alors un savoir sur soi, et la relation perd son pouvoir destructeur.

7 Le rôle et la force de la thérapie analytique
Lorsqu’une personne a vécu une relation d’emprise ou une destruction psychique liée à la perversion narcissique, il ne suffit pas de “tourner la page”. La blessure touche à ce qu’il y a de plus intime : l’identité, la confiance, et le sentiment d’exister. La thérapie analytique offre un espace unique pour retrouver son centre, comprendre les mécanismes à l’œuvre, et restaurer une solidité intérieure durable.
🔹 Le cadre thérapeutique : un lieu où la parole peut enfin exister
L’un des effets les plus violents de la perversion est le silence imposé. La victime a appris à se taire, à se censurer, à douter de son ressenti. Dans le cadre analytique, ce silence trouve enfin un écho. Le thérapeute devient le témoin neutre et bienveillant qui accueille la parole sans jugement ni manipulation, permettant ainsi à l’inconscient de se remettre en mouvement.
C’est un espace réparateur, où le sujet peut dire sans crainte d’être ridiculisé, contredit ou puni.
🔹 Le travail transférentiel : rejouer sans reproduire
Le transfert, ce déplacement des affects de la relation d’emprise vers le thérapeute, est souvent au cœur du processus. Il permet de revivre symboliquement la dépendance, la peur ou la soumission, mais cette fois dans un cadre sécurisé.
Le rôle du thérapeute n’est pas d’endosser celui du “sauveur”, mais de nommer ce qui se rejoue pour que le patient reprenne la maîtrise de son vécu psychique. Peu à peu, il apprend à reconnaître les schémas répétitifs qui l’ont conduit à ces relations, et à les désamorcer.
🔹 La reconstruction du narcissisme de base
Freud parlait du narcissisme primaire comme de la source de toute vitalité psychique. Chez la victime, ce narcissisme est souvent fissuré : l’amour de soi a été attaqué, la valeur personnelle réduite à néant.
Le travail thérapeutique vise à reconstruire ce socle :
retrouver une estime de soi stable,
redéfinir ses limites,
réhabiliter ses besoins sans honte,
et réapprendre à se choisir.
C’est un processus lent mais profondément réparateur, qui redonne au sujet la capacité d’aimer sans se perdre, et d’exister sans avoir besoin de se soumettre ni de dominer.
🔹 De la survie à la liberté intérieure
La thérapie analytique ne promet pas d’effacer la douleur, mais d’en faire une source de connaissance et de transformation. Elle aide à passer du statut de “victime” à celui de sujet, c’est-à-dire à redevenir acteur de sa propre histoire.
Peu à peu, la personne cesse de réagir selon ses blessures : elle commence à vivre selon ses désirs. Là où la perversion avait volé la parole, la thérapie rend la voix. Là où l’emprise avait imposé le silence, elle redonne du sens.
👉 Comme le rappelait Paul-Claude Racamier, qui a conceptualisé la perversion narcissique :
“Le pervers narcissique ne cherche pas à aimer, mais à se défendre de la folie.Le thérapeute, lui, aide à réconcilier le sujet avec sa folie humaine.”
C’est là que réside toute la beauté du travail analytique : réconcilier le moi blessé avec l’humain, avec sa fragilité, son histoire, et sa vérité.
Conclusion
La perversion narcissique n’est pas une simple étiquette psychologique ni une mode médiatique : c’est une organisation relationnelle pathologique, complexe et dévastatrice, où l’autre devient un objet, et non plus un sujet. Elle se nourrit du silence, de la culpabilité et de la confusion, rendant la victime prisonnière d’une relation où elle perd peu à peu son identité.
Reconnaître ces mécanismes, c’est déjà rompre le sortilège de l’emprise. C’est remettre de la clarté là où régnaient le doute et la honte, et redonner à chacun le droit de se sentir légitime, respecté et libre.
La thérapie analytique offre une voie de réconciliation entre le moi blessé et l’humain en soi.Elle ne cherche pas à effacer, mais à transformer la souffrance en savoir, à faire émerger une force nouvelle : celle d’exister par soi-même.
👉 Si vous avez le sentiment de vivre ou d’avoir vécu une relation d’emprise, rappelez-vous que la sortie est possible. Parler, comprendre, se faire accompagner : trois gestes simples, mais profondément libérateurs.
❓ FAQ
1. Le “pervers narcissique” est-il un diagnostic officiel ?
Non. Ce n’est pas une catégorie du DSM-5.Le terme a été introduit par Paul-Claude Racamier pour désigner une structure relationnelle où l’autre est utilisé pour nourrir le narcissisme du sujet. C’est donc un concept clinique et psychanalytique, pas psychiatrique.
2. Un pervers narcissique peut-il changer ?
La perversion narcissique étant une structure de personnalité stable, elle ne change pas fondamentalement. Cependant, une prise de conscience peut atténuer certains comportements chez des profils à “traits pervers” (non structurés).Mais cela demande une réelle volonté, rarement présente.
3. Pourquoi ai-je du mal à partir d’une telle relation ?
Parce que le lien d’emprise crée une dépendance affective et psychique : peur, honte, espoir, culpabilité. L’influence du pervers agit comme une drogue. La thérapie aide à déprogrammer ce lien et à retrouver la liberté intérieure.
4. Comment puis-je aider un proche sous emprise ?
Ne jugez pas, ne pressez pas. Offrez une écoute patiente, encouragez la personne à consulter un professionnel, et évitez les phrases comme “tu devrais partir” ou “moi, à ta place…”.Le soutien bienveillant est souvent plus efficace que la confrontation.

📞 Ressources et numéros d’urgence (France)Si vous êtes en détresse ou craignez pour votre sécurité :
|
👉 En parallèle, un suivi avec un psychothérapeute ou un psychopraticien analytique peut aider à comprendre les mécanismes de la relation et amorcer la reconstruction.
📩 Vous pouvez aussi me contacter directement à : contact@emmanuelpagepsy.fr ou via mon site : emmanuelpagepsy.fr
Rappelez-vous : sortir de l’emprise, c’est retrouver la possibilité d’exister à nouveau. Ce n’est pas la fin d’une histoire, mais le début d’une renaissance.







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