Le danger du cumul des thérapeutes et méthodes alternatives sans travail de fond
- Emmanuel Page
- 4 sept.
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Dernière mise à jour : 4 sept.

Introduction : Le cumul des thérapeutes et méthodes alternatives.
Aujourd’hui, il n’est pas rare de rencontrer des personnes qui enchaînent les consultations auprès de multiples praticiens : magnétiseur, sophrologue, hypnothérapeute, énergéticien, réflexologue, coach en développement personnel… Cette démarche répond à une quête sincère de mieux-être, mais elle s’effectue souvent sans cohérence ni fil conducteur thérapeutique.
Ces approches alternatives peuvent être intéressantes, et certaines apportent un réel soulagement. Mais elles ne remplacent pas un travail psychothérapeutique de fond, indispensable lorsque l’on parle de traumatismes, de blessures anciennes ou de problématiques complexes.
Cet article propose une réflexion clinique et professionnelle : pourquoi le cumul de thérapeutes et de méthodes non coordonnées peut fragiliser le patient, et en quoi un accompagnement cohérent et structuré demeure essentiel pour avancer en profondeur.
Le recours aux méthodes alternatives : une quête légitime de bien-être
Dans un contexte où l’on parle de plus en plus de stress, de mal-être et de traumatismes, beaucoup de personnes se tournent vers des méthodes alternatives. Sophrologie, reiki, hypnose, magnétisme, kinésiologie, réflexologie… Ces pratiques connaissent un essor considérable, car elles promettent un soulagement rapide et une approche plus douce que la thérapie traditionnelle.
Cette démarche est légitime : face à la souffrance, chercher du réconfort est un réflexe humain. Beaucoup de patients expriment le besoin de trouver une réponse immédiate à leur douleur, ou d’expérimenter des pratiques qui ne leur rappellent pas un cadre médical parfois perçu comme rigide.
Ces méthodes peuvent être précieuses en complément : elles aident à relâcher les tensions, à mieux gérer le stress ou à réinvestir une sensation de bien-être corporel. Mais elles ne peuvent pas, à elles seules, remplacer un travail psychologique en profondeur. Car lorsque le problème est enraciné dans l’inconscient, comme c’est le cas pour un traumatisme ou une blessure ancienne, seul un travail d’élaboration psychique permet une véritable transformation.
👉 Exemple clinique : une patiente ayant subi une agression sexuelle a choisi de consulter un magnétiseur pour “chasser les mauvaises énergies”. Si cette démarche lui a apporté un certain apaisement ponctuel, elle n’a pas permis de traiter le traumatisme psychique sous-jacent. L’inconscient, lui, continue de porter cette charge, et tôt ou tard, elle se manifestera à nouveau.
Le problème du cumul sans cadre thérapeutique
Si les méthodes alternatives peuvent avoir leur utilité en complément d’un suivi, leur multiplication sans cohérence ni coordination peut rapidement devenir problématique. Le patient risque alors de se disperser, de recevoir des messages contradictoires, et parfois même de fragiliser son travail psychique.
En clinique, on observe que chaque approche a sa logique, son vocabulaire, sa méthode. Lorsqu’elles ne s’articulent pas entre elles, le sujet peut se sentir tiraillé entre des directions opposées.
👉 Exemple concret : j’accompagnais une patiente sur un travail de confiance en elle. Elle souffrait d’une profonde anxiété liée à un passé marqué par le rejet. Elle avait entrepris un travail analytique pour comprendre ses peurs et restaurer sa confiance en elle. Après quelques mois, trouvant les avancées trop lentes, elle décida de consulter en parallèle une praticienne en développement personnel spécialisée dans les “pensées positives”. Très vite, Elle s’est retrouvée face à deux messages contradictoires :
En thérapie analytique, elle apprenait à écouter ses angoisses, à explorer leur origine et à mettre en mots ce qui l’habitait.
En coaching, on lui répétait d’écarter toute pensée négative et de la remplacer immédiatement par une affirmation optimiste.
Au lieu de s’aider, ces approches l’ont plongée dans la confusion : devait-elle accueillir ses émotions ou les nier ? Devait-elle comprendre ses blessures ou les recouvrir d’un discours positif ? Résultat : son sentiment d’échec s’est renforcé, car elle avait l’impression de “mal faire” dans les deux cadres.
Cet exemple illustre un risque fréquent : lorsque les thérapeutes ne communiquent pas entre eux et que le patient n’informe pas de ses démarches parallèles, le travail peut se contredire et même fragiliser la personne au lieu de la soutenir.
Cette situation n’est pas rare. Beaucoup de patients consultent plusieurs praticiens sans en informer chacun d’eux. Cela conduit à des dédoublements d’accompagnement où le risque est de “se détricoter” : ce qui se construit d’un côté peut être défait de l’autre.
Ce danger est renforcé par le fait que, bien souvent, il n’y a aucune communication entre les praticiens. Là où une collaboration pourrait être bénéfique, chacun travaille isolément. Le patient devient alors le seul “lieu de coordination”… ce qui est trop lourd pour lui, surtout quand il est déjà en souffrance.

La perspective psychodynamique : pourquoi c’est problématique
D’un point de vue psychodynamique, le cumul de thérapeutes et de méthodes alternatives pose un problème majeur : il ne permet pas de travailler la cause inconsciente.
L’inconscient ne disparaît pas parce qu’on tente de “chasser des énergies” ou de masquer une pensée négative par une pensée positive. Les traumatismes refoulés continuent d’exister tant qu’ils n’ont pas été élaborés. Ils cherchent une voie d’expression, et s’ils ne trouvent pas d’espace pour être mis en mots, ils reviennent autrement : par le symptôme, la répétition de scénarios douloureux, ou encore des somatisations.
Freud avait déjà mis en lumière ce mécanisme : ce qui n’est pas élaboré psychiquement se répète. C’est pourquoi, lorsqu’un patient tente d’empiler les pratiques sans faire de véritable travail de fond, il risque de renforcer ses défenses, mais sans jamais transformer son conflit intérieur.
Ce phénomène conduit souvent à une illusion de progrès : la personne a l’impression d’aller mieux grâce à un apaisement temporaire, mais en réalité le problème de fond demeure intact. À terme, cela peut même être plus douloureux : le traumatisme finit par resurgir de façon brutale, car il n’a pas trouvé d’espace d’élaboration.
En clinique, on constate aussi que cette dispersion peut retarder le processus thérapeutique. Là où un accompagnement cohérent permet d’avancer pas à pas, la multiplication des approches contradictoires fragmente le travail psychique et bloque l’intégration.
Vers une collaboration saine entre praticiens
Il est important de préciser que les méthodes alternatives ou de bien-être ne sont pas à rejeter en bloc. Elles peuvent avoir une véritable valeur ajoutée lorsqu’elles sont utilisées en complément d’un travail thérapeutique et intégrées dans un cadre cohérent.
Un patient suivi pour un traumatisme peut, par exemple, bénéficier de séances de sophrologie pour apaiser ses angoisses, ou d’hypnose ericksonienne pour travailler sur des blocages spécifiques. Mais ces pratiques prennent tout leur sens lorsqu’elles s’inscrivent dans un parcours global, coordonné par un thérapeute de référence.
👉 Dans certains cas, la collaboration entre praticiens est possible et bénéfique. Par exemple, un psychologue peut orienter un patient vers un sophrologue pour apprendre à réguler son stress, tout en poursuivant en parallèle un travail analytique. Ce fonctionnement permet de rester dans une dynamique complémentaire et d’avancer dans le même sens.
Le problème survient lorsque chacun travaille dans son coin, sans communication, ni avec le patient ni avec les autres professionnels impliqués. Cela peut mener à des contradictions, à de la confusion, voire à une perte de confiance.
Le rôle du patient est également central : il est essentiel qu’il communique à son thérapeute principal les autres démarches entreprises. Non pas pour demander une validation, mais pour que tout le travail reste aligné. L’accompagnement thérapeutique est un processus délicat qui nécessite de la cohérence et une continuité.
En somme, il ne s’agit pas de s’opposer aux approches alternatives, mais de les remettre à leur juste place : celle de pratiques de soutien, utiles et parfois nécessaires, mais qui ne remplacent jamais l’élaboration psychique ni le travail de fond sur l’inconscient.

Conclusion
Le recours à différentes méthodes alternatives n’est pas un problème en soi. Elles peuvent offrir un soulagement ponctuel, aider à gérer le stress, ou encore soutenir un travail thérapeutique déjà engagé. Mais lorsqu’elles sont multipliées sans cadre, sans cohérence et sans véritable travail psychologique de fond, elles deviennent une illusion de changement plus qu’un réel cheminement.
En psychanalyse comme en psychologie clinique, nous savons que ce qui n’est pas élaboré psychiquement se répète. Un traumatisme, une blessure ancienne, une peur inconsciente ne disparaissent pas parce qu’on les recouvre d’une technique énergétique ou de quelques exercices positifs. Tant qu’ils ne trouvent pas d’espace pour être pensés, mis en mots et travaillés, ils continuent d’agir en silence.
L’accompagnement thérapeutique doit donc rester un processus cohérent, structuré et approfondi, où les méthodes complémentaires peuvent trouver leur place, mais toujours dans le respect d’une direction claire. C’est cette cohérence qui permet au patient de se construire, d’avancer et de transformer véritablement son vécu.
👉 Si vous sentez que malgré de multiples démarches vous tournez en rond, il est peut-être temps de vous offrir un espace thérapeutique où votre histoire pourra enfin être entendue et travaillée en profondeur. Car se libérer durablement, ce n’est pas multiplier les séances, c’est trouver le bon cadre pour cheminer vers soi.
Personellement je choisirais un seul thérapeute en qui j'ai confiance et avec qui je me sens à l'aise.